La classe de 2PTEB du Lycée Le Corbusier vous présente « A musée vous, lisez-moi ; A musée moi, lisez-nous » : un projet théâtre en partenariat avec le Théâtre National de Strasbourg.
Bénéficiant d'une classe à Projet Artistique et Culturel centrée sur la représentation théâtrale, les élèves de 2PTEB se sont lancés avec entrain dans un projet interdisciplinaire lettres / arts appliqués / documentation. Leur objectif ? A la manière de la mini-série d'Arte « A musée vous, à musée moi », produire des tableaux animés qui permettent de confronter des œuvres littéraires et picturales polémiques dans le but de répondre à la question : Pourquoi une oeuvre d'art peut-elle créer la polémique ?
Ce dispositif a bénéficié du soutien de la DAAC de Strasbourg et a été réalisé en partenariat avec le TNS
Déroulement du projet
A de partir du mois d'octobre, les élèves ont entamé une séquence pluridisciplinaire avec M. Boumahres, professeur de lettres-histoire, Mme Evrard, professeur d'arts appliqués et Mme Roche, professeur documentaliste.
En parallèle, des œuvres picturales sont analysées, d'un point de vue historique en lettres-histoire et d'un point de vue technique en arts appliqués.
. La visite de l'atelier des décors du TNS, guidée par Christian Hugel, responsable de projets, qui a permis aux élèves de faire un premier pas dans le monde du théâtre et de mieux comprendre les enjeux de production d'un décor de théâtre.
. La représentation de la pièce « Les terrains vagues » au TNS : l'occasion pour les élèves d'avoir un magnifique exemple de scénographie et d’en tirer parti pour créer leurs propres mises en scène. Dans les jours suivants, toute la classe a eu l'opportunité d'échanger avec Béatrice Dedieu, chargée des relations avec le public enseignant au TNS, Genséric Coléno-Demeulenaere, qui interprétait le personnage de Laszlo, et Quentin Maudet, régisseur général du spectacle. Cette rencontre a permis aux élèves d’exposer toutes leurs questions sur le spectacle et d’affermir encore leurs propres projets.
Avec Mme Evrard, les groupes conçoivent un storyboard et les décors de leurs scènes.
Les élèves doivent réfléchir à tous les aspects de la réalisation : enchaînement des plans, dialogues, gestuelle, durée de chaque scène, fond sonore, lumière, mouvements de la caméra, etc. Ils se mettent tour à tour dans la peau de l'acteur, du réalisateur, du preneur de son, de l'éclairagiste ...
- Etape 1 : Se familiariser avec l'objet d'étude
En parallèle, des œuvres picturales sont analysées, d'un point de vue historique en lettres-histoire et d'un point de vue technique en arts appliqués.
- Etape 2 : Se confronter à la polémique
- Etape 3 : Première incursion dans le domaine théâtral
. La visite de l'atelier des décors du TNS, guidée par Christian Hugel, responsable de projets, qui a permis aux élèves de faire un premier pas dans le monde du théâtre et de mieux comprendre les enjeux de production d'un décor de théâtre.
. La représentation de la pièce « Les terrains vagues » au TNS : l'occasion pour les élèves d'avoir un magnifique exemple de scénographie et d’en tirer parti pour créer leurs propres mises en scène. Dans les jours suivants, toute la classe a eu l'opportunité d'échanger avec Béatrice Dedieu, chargée des relations avec le public enseignant au TNS, Genséric Coléno-Demeulenaere, qui interprétait le personnage de Laszlo, et Quentin Maudet, régisseur général du spectacle. Cette rencontre a permis aux élèves d’exposer toutes leurs questions sur le spectacle et d’affermir encore leurs propres projets.
- Etape 4 : Imaginer un scénario et une scénographie
Avec Mme Evrard, les groupes conçoivent un storyboard et les décors de leurs scènes.
Les élèves doivent réfléchir à tous les aspects de la réalisation : enchaînement des plans, dialogues, gestuelle, durée de chaque scène, fond sonore, lumière, mouvements de la caméra, etc. Ils se mettent tour à tour dans la peau de l'acteur, du réalisateur, du preneur de son, de l'éclairagiste ...
- Etape 5 : Se produire sur scène
- Etape 6 : Présenter et valoriser son travail lors d'un vernissage
Objectifs pédagogiques
Objectifs liés au programme de Lettres
Objectifs liés au programme général d’Arts Appliqués
Objectifs liés aux compétences info-documentaires
Objectifs transdisciplinaires
- Etre conscient de la subjectivité de ses goûts et savoir l'exprimer à l'écrit et à l'oral
- Prendre en considération les goûts d’autrui et construire une appréciation artistique à travers un échange d’opinion
- Développer sa curiosité artistique
Objectifs liés au programme général d’Arts Appliqués
- Pratiquer, produire : s’engager à conduire un projet artistique
- Rencontre avec des artistes du spectacle vivant pour une meilleure compréhension des processus de création
- L’introduction de pratiques diversifiées et mixées : image, son, action
- S’initier aux principaux constituants du spectacle vivant
Objectifs liés aux compétences info-documentaires
- Savoir effectuer une recherche d’informations pour répondre à un besoin
- Participer à une production collaborative multimédia en respectant les droits d'auteur
- Développer des pratiques culturelles à partir d’outils de production numérique
Objectifs transdisciplinaires
- Travailler en équipe de manière collaborative
- Développer son ouverture culturelle
- Développer des compétences en TICE en réalisant une vidéo sur le modèle de « A musée vous, à musée moi»
- Développer la sensibilité, la curiosité, l’esprit d’analyse
Projet #1 : Maxime, Mao, Salim & Quentin /// Le radeau de la méduse
« Scène d’un naufrage ou la Méduse », chap. 3, Paulin d’Anglas de Praviel, 1858
Après l’échouement de la Méduse, la consternation est générale. Immobiles comme le vaisseau que nous montons, nous jetons des regards inquiets sur tout ce qui nous environne, point de cris, point de plaintes, c’est le silence de la mort. Au milieu de cet accablement, l’horreur de notre position se peint dans la physionomie pâle et égarée de l’officier de quart, rien, absolument rien ne tempère tant d’horreur, nous allons tous périr, nulle chance de salut, pas un n’a les mains levées vers Celui auquel les mers et les vents obéissent. Renfermés en nous-mêmes, de l’abime de eaux nous allons tomber sans y songer dans l’abîme de l’éternité ; et comme nous avons oublié Dieu, nous nous oublions les unies autres ; aucune consolation n’est donnée ni offerte ; chacun ne voit que sa mort, ne regrette que sa vie, c’est l’égoïsme à sa dernière heure.
Après ce moment de stupeur nous nous abandonnons au plus affreux désespoir ; on n’entend que des lamentations et des reproches. Une agitation extrême sans objet et sans plan succède à l’état d’inertie où nous étions plongés. Quelle âme forte eût résisté a l’idée terrible d’un écueil, dans l’immensité de la mer, à si grande distance de la côte ? La mort ne peut se présenter sous un appareil plus redoutable.
Après ce moment de stupeur nous nous abandonnons au plus affreux désespoir ; on n’entend que des lamentations et des reproches. Une agitation extrême sans objet et sans plan succède à l’état d’inertie où nous étions plongés. Quelle âme forte eût résisté a l’idée terrible d’un écueil, dans l’immensité de la mer, à si grande distance de la côte ? La mort ne peut se présenter sous un appareil plus redoutable.
Projet #2 : Noemie, Lucas, Leandro & Meldrida /// La petite danseuse de quatorze ans
« Le Léthé » in Les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire, 1587
Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents ; Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants Dans l'épaisseur de ta crinière lourde ; Dans tes jupons remplis de ton parfum Ensevelir ma tête endolorie, Et respirer, comme une fleur flétrie, Le doux relent de mon amour défunt. Je veux dormir ! dormir plutôt que vivre ! Dans un sommeil aussi doux que la mort, J'étalerai mes baisers sans remord Sur ton beau corps poli comme le cuivre. |
Pour engloutir mes sanglots apaisés
Rien ne me vaut l'abîme de ta couche ; L'oubli puissant habite sur ta bouche, Et le Léthé coule dans tes baisers. A mon destin, désormais mon délice, J'obéirai comme un prédestiné ; Martyr docile, innocent condamné, Dont la ferveur attise le supplice, Je sucerai, pour noyer ma rancœur, Le népenthès et la bonne ciguë Aux bouts charmants de cette gorge aiguë Qui n'a jamais emprisonné de cœur. |
Projet #3 : Louise, Aleyna, Abdoullah & Harroun /// Tour Eiffel
Tour, Blaise Cendrars, 1913
[…]
O Tout Eiffel ! Je ne t’ai pas chaussée d’or Je ne t’ai pas fait danser sur les dalles de cristal Je ne t’ai pas vouée au Python comme une vierge de Carthage Je ne t’ai pas revêtue du péplum de la Grèce Je ne t’ai jamais fait divaguer dans l’enceinte des menhirs Je ne t’ai pas nommée Tige de David ni Bois de la Croix Lignum Crucis O Tour Eiffel Feu d’artifice géant de l’Exposition Universelle ! Sur le Gange A Bénarès Parmi les toupies onanistes des temples hindous Et les cris colorés des multitudes de l’Orient Tu te penches, gracieux palmier ! C’est toi qui à l’époque légendaire du peuple hébreu Confondis la langue des hommes |
O Babel !
Et quelque mille ans plus tard, c’est toi qui retombais en langues de feu Sur les Apôtres rassemblés dans ton église En pleine mer tu es un mât Et au Pôle Nord Tu resplendis avec toute la magnificence de l’aurore boréale de ta télégraphie sans fil Les lianes s’enchevêtrent aux eucalyptus Et tu flottes, vieux tronc, sur le Mississipi Quand Ta gueule s’ouvre Et un caïman saisit la cuisse d’un nègre En Europe tu es comme un gibet (je voudrais être la tour, pendre à la Tour Eiffel !) Et quand le soleil se couche derrière toi La tête de Bonnot roule sous la guillotine Au cœur de l’Afrique c’est toi qui cours Girafe […] |
Projet #4 : Naomie, Roane, Anaëlle, Angélica & Juliane /// Impression soleil levant
« Les bijoux » in les Fleurs du Mal, Charles Baudelaire, 1857
La très-chère était nue, et, connaissant mon coeur,
Elle n’avait gardé que ses bijoux sonores, Dont le riche attirail lui donnait l’air vainqueur Qu’ont dans leurs jours heureux les esclaves des Maures. Quand il jette en dansant son bruit vif et moqueur, Ce monde rayonnant de métal et de pierre Me ravit en extase, et j’aime à la fureur Les choses où le son se mêle à la lumière. Elle était donc couchée et se laissait aimer, Et du haut du divan elle souriait d’aise A mon amour profond et doux comme la mer, Qui vers elle montait comme vers sa falaise. Les yeux fixés sur moi, comme un tigre dompté, D’un air vague et rêveur elle essayait des poses, Et la candeur unie à la lubricité Donnait un charme neuf à ses métamorphoses ; |
Et son bras et sa jambe, et sa cuisse et ses reins,
Polis comme de l’huile, onduleux comme un cygne, Passaient devant mes yeux clairvoyants et sereins ; Et son ventre et ses seins, ces grappes de ma vigne, S’avançaient, plus câlins que les Anges du mal, Pour troubler le repos où mon âme était mise, Et pour la déranger du rocher de cristal Où, calme et solitaire, elle s’était assise. Je croyais voir unis par un nouveau dessin Les hanches de l’Antiope au buste d’un imberbe, Tant sa taille faisait ressortir son bassin. Sur ce teint fauve et brun, le fard était superbe ! Et la lampe s’étant résignée à mourir, Comme le foyer seul illuminait la chambre, Chaque fois qu’il poussait un flamboyant soupir, Il inondait de sang cette peau couleur d’ambre ! |
Projet #5 : Soulayman, Louis, Kylian, Bislan & Jérémy /// Les raboteurs de parquet
« La scène de la description de Maheu au travail », Extrait de la première partie chapitre 4, Germinal, Emile Zola, 1885
C'était Maheu qui souffrait le plus. En haut, la température montait jusqu'à trente-cinq degrés, l'air ne circulait pas, l'étouffement à la longue devenait mortel. Il avait dû, pour voir clair, fixer sa lampe à un clou, près de sa tête ; et cette lampe, qui chauffait son crâne, achevait de lui brûler le sang. Mais son supplice s'aggravait surtout de l'humidité. La roche, au-dessus de lui, à quelques centimètres de son visage, ruisselait d'eau, de grosses gouttes continues et rapides, tombant sur une sorte de rythme entêté, toujours à la même place.
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal. Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.
Il avait beau tordre le cou, renverser la nuque : elles battaient sa face, s'écrasaient, claquaient sans relâche. Au bout d'un quart d'heure, il était trempé, couvert de sueur lui-même, fumant d'une chaude buée de lessive. Ce matin-là, une goutte, s'acharnant dans son oeil, le faisait jurer. Il ne voulait pas lâcher son havage, il donnait de grands coups, qui le secouaient violemment entre les deux roches, ainsi qu'un puceron pris entre deux feuillets d'un livre, sous la menace d'un aplatissement complet.
Pas une parole n'était échangée. Ils tapaient tous, on n'entendait que ces coups irréguliers, voilés et comme lointains. Les bruits prenaient une sonorité rauque, sans un écho dans l'air mort. Et il semblait que les ténèbres fussent d'un noir inconnu, épaissi par les poussières volantes du charbon, alourdi par des gaz qui pesaient sur les yeux. Les mèches des lampes, sous leurs chapeaux de toile métallique, n'y mettaient que des points rougeâtres. On ne distinguait rien, la taille s'ouvrait, montait ainsi qu'une large cheminée, plate et oblique, où la suie de dix hivers aurait amassé une nuit profonde. Des formes spectrales s'y agitaient, les lueurs perdues laissaient entrevoir une rondeur de hanche, un bras noueux, une tête violente, barbouillée comme pour un crime. Parfois, en se détachant, luisaient des blocs de houille, des pans et des arêtes, brusquement allumés d'un reflet de cristal. Puis, tout retombait au noir, les rivelaines tapaient à grands coups sourds, il n'y avait plus que le halètement des poitrines, le grognement de gêne et de fatigue, sous la pesanteur de l'air et la pluie des sources.
Projet #6 : Ibrahim, Ionut, Valentin & Amir /// Enterrement à Ornans
Discours du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, André Malraux, 1964
« Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit. »
[…]
«C’est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France… »
[…]
«C’est la marche funèbre des cendres que voici. À côté de celles de Carnot avec les soldats de l’an II, de celles de Victor Hugo avec les Misérables, de celles de Jaurès veillées par la Justice, qu’elles reposent avec leur long cortège d’ombres défigurées. Aujourd’hui, jeunesse, puisses-tu penser à cet homme comme tu aurais approché tes mains de sa pauvre face informe du dernier jour, de ses lèvres qui n’avaient pas parlé ; ce jour-là, elle était le visage de la France… »
Projet #7 : Laëtitia, Tristan, Florent & Yorick /// Femme à la terrasse d'un café le soir
« La scène de la glorification de l’adultère par Emma », Partie 2. Chapitre 9, in Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1857
D'abord, ce fut comme un étourdissement ; elle voyait les arbres, les chemins, les fossés, Rodolphe, et elle sentait encore l'étreinte de ses bras, tandis que le feuillage frémissait et que les joncs sifflaient.
Mais, en s'apercevant dans la glace, elle s'étonna de son visage. Jamais elle n'avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d'une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.
Elle se répétait : " J'ai un amant ! un amant ! " se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l'amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l'entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l'existence ordinaire n'apparaissait qu'au loin, tout en bas, dans l'ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.
Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu'elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d'amoureuse qu'elle avait tant envié. D'ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N'avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l'amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.
Mais, en s'apercevant dans la glace, elle s'étonna de son visage. Jamais elle n'avait eu les yeux si grands, si noirs, ni d'une telle profondeur. Quelque chose de subtil épandu sur sa personne la transfigurait.
Elle se répétait : " J'ai un amant ! un amant ! " se délectant à cette idée comme à celle d'une autre puberté qui lui serait survenue. Elle allait donc posséder enfin ces joies de l'amour, cette fièvre du bonheur dont elle avait désespéré. Elle entrait dans quelque chose de merveilleux où tout serait passion, extase, délire ; une immensité bleuâtre l'entourait, les sommets du sentiment étincelaient sous sa pensée, et l'existence ordinaire n'apparaissait qu'au loin, tout en bas, dans l'ombre, entre les intervalles de ces hauteurs.
Alors elle se rappela les héroïnes des livres qu'elle avait lus, et la légion lyrique de ces femmes adultères se mit à chanter dans sa mémoire avec des voix de sœurs qui la charmaient. Elle devenait elle-même comme une partie véritable de ces imaginations et réalisait la longue rêverie de sa jeunesse, en se considérant dans ce type d'amoureuse qu'elle avait tant envié. D'ailleurs, Emma éprouvait une satisfaction de vengeance. N'avait-elle pas assez souffert ! Mais elle triomphait maintenant, et l'amour, si longtemps contenu, jaillissait tout entier avec des bouillonnements joyeux. Elle le savourait sans remords, sans inquiétude, sans trouble.